
Dans un article précédent sur
l'aromathérapie, j'ai expliqué comment le tissu nasal capture les
molécules odorantes et transmet l'information au cerveau qui affecte
l'entièreté du corps humain. Les propriétés uniques de ces tissus sont
qu'ils possèdent un potentiel régénérateur extraordinaire, ce qui mène les
scientifiques à penser que cela peut être exploité pour restaurer la
fonction après une lésion médullaire.
Partant des expérimentations animales, des scientifiques du Portugal,
d'Australie, et de Chine, ont commencé à transplanter des cellules ou du
tissu olfactifs sur le site lésionnel de patients accidentés depuis
longtemps. La première partie de cet article qui en comprend deux va
revoir les propriétés uniques des tissus olfactifs, la deuxième partie
résumera les travaux réalisés sur l'homme par le Dr. Carlos Lima du
Portugal.
INTRODUCTION:
Le tissu olfactif couvre à peu près 2,5 centimètres 1 centimètre au dessus
de chaque cavité nasale. Intégré à ce tissu, les neurones olfactifs
bipolaires, qui commencent à la surface du tissu sont composés de :
1° les dendrites, sorte de cheveux qui reçoivent les molécules
informatives
2° le noeud olfactif auquel sont attachées les dendrites
3° le corps cellulaire, contenant le noyau du neurone et le centre
métabolique
4° les axones conducteurs des signaux
Des récepteurs sur les dendrites en surface capturent les molécules
odorantes que nous respirons, dendrites qui, comme une clé ouvrant un
verrou, génèrent des pulsations nerveuses conduites au cerveau par
l'intermédiaire des axones.
Ces axones sont réunis sous forme de bottes qui sont entourées par des
cellules olfactives engainantes, un type particulier de cellules gliales,
ou cellules-support des neurones, qui guident l'axone et supporte son
élongation. Ces bottes partent de la base du tissu et traversent la boite
crânienne à travers un trou appelé « plaque cribriforme ». Ensuite, elles
pénètrent le bulbe olfactif du cerveau, une station relai
où ils se connectent à des neurones de second ordre qui mènent à d'autres
zones du cerveau via le faisceau olfactif.
On peut comparer le neurone olfactif à un chien ventru avec une longue
queue qui passe par le trou d'un mur. Le côté chien représente le tissu
olfactif du nez et le côté queue le bulbe olfactif du cerveau. Le mur
représente la barrière cranienne. A part pour sa queue, le chien se tient
du côté tissu olfactif. Ses moustaches correspondent aux dendrites, sa
tête est le noeud olfactif, le fait qu'il soit ventru fait allusion au
corps cellulaire contenant le noyau, et sa longue queue représente l'axone.
Lorsqu'une mouche (une molécule odorante) vient stimuler ses moustaches,
son nez lui chatouille, ce qui donne un frisson (l'influx nerveux) qui
descend rapidement le long de son corps jusqu'à un frémissement de la
queue de l'autre côté du mur. Ces frémissements exitent des chiens qui
vivent de l'autre côté (les neurones de second ordre, côté cerveau), qui à
leur tour éveillent tout le voisinage (le cerveau puis le corps).
Les scientifiques sont intéressés par le tissu olfactif parce que,
contrairement à la moelle épinière, il contient énormément de cellules
ayant un potentiel régénérateur, en ce compris une source renouvellable de
neurones, des cellules souches progénitrices, et des cellules olfactives
engainantes remyélinisantes.
LES NEURONS OLFACTIFS:
Ils sont exceptionnels de plusieurs manières. Par exemple, la plupart des
nerfs font soit partie du système nerveux central – càd le cerveau et la
moelle épinière – soit du système nerveux périphérique qui connecte les
organes et les extrémités au système nerveux central. Chaque environnement
d'un système cellulaire est hostile aux autres nerfs. Par exemple, une
lésion des nerfs périphériques va cesser de repousser lorsqu'elle
atteindra la moelle épinière. A contrario, la classification des neurones
olfactifs est ambigüe, ils sont installés à la fois dans le système
nerveux central et dans le système nerveux périphérique.
Autre exemple, les neurones olfactifs sont les seuls neurones de surface
du corps humain à être en contact direct avec l'environnement extérieur,
en l'occurence, l'air que nous respirons. Comme toutes les cellules de
surface, ils se régénérent et se reproduisent facilement, se renouvelant à
peu près tous les 60 jours pendant toute la vie. Dans le tissu olfactif,
il y a toujours des neurones à différents stades de leur neurogénèse. Une
fois devenus neurones matures, ils migrent de leur base vers le tissu de
surface et remplacent les neurones matures qui meurent d'apoptose, une
forme de mort cellulaire programmée.
LES CELLULES SOUCHES OLFACTIVES:
La source de ces nouveaux neurones est un bassin de cellules souches
progénitrices qui est situé à la base du tissu. Grâce à leur potentiel de
se différentier en cellules qui peuvent traiter les désordres
neurologiques ; les cellules souches ont été le centre d'intérêt de
beaucoup de recherches, mais également de controverses car elles sont
souvent isolées à partir de tissus foetaux, chose que les cellules souches
dérivées des stigmates olfactifs évitent.
LES CELLULES OLFACTIVES ENGAINANTES:
Le potentiel de régénération axonale est amélioré grâce aux cellules
olfactives engainantes qui :
1° sans être elles-mêmes des neurones olfactifs, produisent des gaines de
myèline isolante autour des axones endommagés qui repoussent dans la
moelle épinière,
2° secrètent différents agents neurotrophiques améliorant la repousse,
3° produit une structure et une matrice de macromolécules qui crée un
support pour l'élongation axonale.
Grâce à ces caractéristiques, les cellules olfactives engainantes
favorisent la repousse axonale, même lorsqu'elles sont implantées dans des
endroits qui ne régénèrent pas facilement, comme la moelle épinière. Par
exemple, on a montré que les axones de la moelle épinière remyélinisés par
les cellules olfactives engainantes pénètrent la cicatrice gliale
inhibitrice sur le site de la lésion, et migrent vers leurs cibles
appropriées, restaurant la fonction.
Pour un axone coupé qui tente de repousser à travers la cicatrice gliale,
l'équivalent physiologique est une lapidation, les pierres étant
représentées par les molécules inhibitrices de la cicatrice gliale qui
empêchent le passage de l'axone. A cause de cette lapidation, le tronc
axonale se retire dans un endroit sûr. A proprement parler, l'implantation
de cellules olfactives engainantes fourni une armée de boucliers qui
permet à l'axone de surmonter cette lapidation de molécules inhibitrices,
de passer à travers l'obstacle pour se retrouver de l'autre côté chez lui
dans un environnement plus réceptif.
De plus, des neurones structurellement intacts continuent à traverser la
cicatrice gliale, la majorité d'entre eux ne sont plus conducteurs parce
qu'ils ont perdu leur myéline. En fournissant une nouvelle isolation de
myéline qui restaure la conduction, les cellules olfactives engainantes
viennent encore à la rescousse.
Etant donné qu'un petit nombre de neurones (10 à 15%) est nécessaire pour
permettre un retour de fonctions significatif, ces propriétés cumulées du
tissu olfactif qui favorise la régénération annoncent beaucoup de
promesses pour les lésions médullaires.
ETUDES ANIMALES:
Beaucoup d'études animales documentent le potentiel du tissu olfactif à
restaurer la fonction après lésion médullaire.
Dans une étude clé en 1994, les Dr. Ramon-Cueto et Nieto-Sampedro (Madrid)
ont coupé les racines nerveuses dorsales de rats à l'endroit où les nerfs
sensitifs se connectent à la moelle épinière. Après avoir reconnecté ces
nerfs, ils ont implanté des cellules olfactives engainantes, ce qui a
permis une repousse en arrière dans la moelle épinière, chose qui
n'arrrive pas en temps normal.
En 1998, le Dr. Imaizumi et ses collègues (PVA/EPVA Centre de recherche
pour le Neuroscience et le Régénération – Université de Yale) et le Dr. Li
et al. (London) ont indépendament montré expérimentalement que les
cellules olfactives engainantes peuvent remyéliniser la moelle épinière
lésée du rat.
En 2000, Le Dr. Ramon-Cueto et al. a montré que les cellules olfactives
engainantes injectées dans une section de moelle épinière de rat peuvent
provoquer une repousse axonale à travers la cicatrice et une amélioration
fonctionnelle, en ce compris, la marche, soutenir se tenir debout, et la
perception sensorielle.
L'année dernière, le Dr. Lu et al. (Australie) a montré que les cellules
olfactives engainantes provoque la régénération et la marche chez le rat
blessé médullaire 4 semaines après avoir lésé le rat (modèle animal de
lésion chronique).
Actuellement, dans le laboratoire du Dr. Peduzzi (Université d'Alabama –
Birmingham) le Dr. Lima supervise des rats blessés médullaires chroniques
(anciennement accidentés) qui ont été transpalntés avec leur propre tissu
olfactif ; pas seulement des cellules olfactives engainantes, mais
également des neurones régénérants et des cellules souches. Ces études
sont essentielles en vue d'une approbation par la FDA d'essais cliniques
pour reproduire les essais portugais de l'équipe du Dr. Lima.
TRANSPANTATION HUMAINE:
Puisque c'est le patient lui-même qui est la source du matériel de
transplantation (greffes autologues), il n'y a pas besoin de thérapie
immunosuppressive pour diminuer les risques de rejet. Les tissus du
patient sont obtenus par simple biopsie au niveau du nez, ce qui n'affecte
pas les capacités olfactives à long terme. Cette procédure est clairement
préférable à celle de pénétrer le crâne pour accéder au bulbe olfactif,
source de cellules olfactives engainantes de beaucoup de recherches
animales.
Les scientifiques ont transplanté des cellules olfactives engainantes et
du tissu olfactif chez des patients blessés médullaires. Par exemple, au
Portugal, le Dr. Lima a réalisé des greffes autologues de tissu olfactif
chez 7 patients. Le Dr. Lima pense que plus d'un seul type de cellules est
nécessaire pour maximiser la régénération de la moelle épinière lésée ; en
plus des cellules olfactives engainantes, des neurones à différents stades
de leur développement, et des cellules souches progénitrices. Le Dr. Lima
retire environ 25% du tissu olfactif des patients qui est ensuite haché
puis implanté dans la moelle épinière.
D'un autre côté, en Australie, le Dr. Alan MacKay-Sim et son équipe a
implanté dans la moelle épinière les cellules olfactives engainantes du
patient préalablement mises en culture et isolées. Les scientifiques sont
par nature concernés par les liens de causes à effets dans le sens où une
telle approche permet de réduire les risques de confusion entre les
facteurs qui peuvent agir entre eux.
En Chine, le Dr. Hongyuan Huang offre une troisième approche. Il a
transplanté des cellules olfactives engainantes isolées à partir de tissu
foetal sur plus de 150 patients. Grâce à la nature indifférentiée du tissu
foetal, les médicaments d'immunosuppression ne sont toutefois pas requis.
Bien que ces efforts préliminaires soient prometteurs, beaucoup de choses
doivent encore être apprises avant de prononcer un jugement définitif sur
le réel potentiel thérapeutique. Par exemple, dans certains cas,
l'intervention permet une décompression de la moelle épinière qui débouche
elle-même sur une récupération fonctionnelle.
CONCLUSION:
Les preuves que le tissu olfactif et les cellules engainantes ont un
potentiel considérable de réparer les lésions traumatiques de la moelle
épinière augmentent. En partant de ce potentiel, les scientifiques ont
commencé à traiter les patients souffrant de lésions chroniques de la
moelle épinière, en ce compris le Dr. Carlos Lima, du Portugal, dont nous
résumerons les travaux dans la deuxième partie.
(Adapted from article appearing in Paraplegia News, March, 2003)
TOP